Comment maîtriser les risques ?

Les risques anticipés

En tant qu’exploitant du site de stockage, l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) est responsable de sa sûreté. Sur le long terme, celle-ci repose essentiellement sur la capacité de la roche à servir de barrière naturelle. Mais certains risques associés aux déchets à vie longue pourraient compromettre le fonctionnement normal de l’installation. L’Andra a donc étudié ces risques potentiels et doit mettre en œuvre les mesures nécessaires pour les prévenir. Elle se doit d’apporter à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) la démonstration des garanties de sûreté de l’installation, en considérant les éventualités les plus pénalisantes. L’enjeu : assurer la protection de l’homme et de l’environnement sur le très long terme.

L’irradiation et la contamination du personnel

Les déchets sont conditionnés dans des colis adaptés à leur niveau de radioactivité et de dangerosité. Ils seront contrôlés plusieurs fois avant d’être transférés vers leurs alvéoles de stockage en profondeur. Néanmoins, même intègres, certains colis, et en particulier ceux qui renferment des déchets de très haute activité, peuvent présenter un risque important d’irradiation pour les travailleurs qui se trouvent à proximité ou qui les manipulent. Or, dans Cigéo, le chantier de construction se poursuivra après le début de l’exploitation. Pour limiter les risques liés à cette co-activité, les zones de construction seront physiquement séparées des zones d’exploitation. Elles auront des accès distincts et des circuits de ventilation séparés.

En zone d’activité nucléaire, des mesures de radioprotection seront adoptées pour réduire l’exposition aux rayonnements des travailleurs : protection avec des écrans et des murs en béton, limite du temps de travail sur le site, automatisation des opérations les plus risquées, contrôle de radioprotection du personnel en sortie de zone à risque…

Hotte de transfert pour les déchets destinés à Cigéo.
Les colis de déchets seront installés dans des hottes de transfert pour atteindre leur espace de stockage ©Andra 

Les incendies

L’Andra a mis en place des dispositions pour la maîtrise du risque incendie en prenant en compte la spécificité de Cigéo en tant qu’installation souterraine. La prévention des départs de feu est assurée par la limitation des charges calorifiques en profondeur. Ainsi les moteurs électriques seront notamment préférés aux moteurs thermiques et le transfert des colis se fera sur rail plutôt que sur des pneus. Des systèmes automatiques seront répartis sur toute l’installation aussi bien dans les locaux que dans les galeries pour détecter, localiser et éteindre rapidement les départs de feu. Des dispositifs complémentaires de détection seront aussi implantés au plus près des sources potentielles d’incendie. La limitation de l’aggravation et de la propagation d’un incendie qui n’aurait pu être maîtrisé seront assurées par un jeu de compartiments (sas), par la gestion de la ventilation et de la filtration et par le confinement dans les galeries. Enfin, l’architecture des souterrains permettra aux secours d’intervenir à l’abri des fumées et d’évacuer le personnel dans les meilleures conditions.

Par ailleurs, les colis ne seront placés dans les alvéoles de stockage qu’après avoir évacué la majeure partie de la chaleur associée à leur radioactivité.

Les risques naturels

Les inondations et les séismes sont, parmi les risques naturels, les plus redoutés. Ils pourraient porter atteinte à la capacité de l’argile à contenir la radioactivité. 
Le site d’implantation de Cigéo est situé en dehors des zones inondables et dans une région très faiblement sismique. Les risques naturels d’inondation et de séismes ont été étudiés très en détail sur une très longue période de l’histoire pour pouvoir confirmer le choix du site.

Les normes de sûreté imposent néanmoins de concevoir Cigéo comme étant capable de résister aux scénarios les plus improbables, aux inondations et aux séismes les plus puissants, sur toute la durée du projet, soit des milliers d’années. Des dispositions particulières ont été prises en ce sens : fortification des bouchons argileux qui scelleront les alvéoles, ajustement de l’épaisseur du béton et des couches géologiques qui isolent les galeries, protection poussée du matériel et des équipements sensibles, déploiement de solutions de secours en cas de défaillance des équipements…

Essai de chute de conteneur de déchet MA-VL
Essai de chute de conteneur de déchet MA-VL  ©Andra

La chute de colis

La chute d’un colis de déchets peut altérer son conditionnement et engendrer la libération de substances radioactives dangereuses pour l’homme et l’environnement. Elle peut également endommager des équipements ou des éléments essentiels à la sûreté des dispositifs de stockage.

Afin d’éviter les chutes, des précautions seront prises pour manipuler les colis au cours du transport et des opérations de transfert vers les installations souterraines. Certaines tâches seront automatisées, les opérations de manutention s’effectueront au niveau du sol, la vitesse de déplacement des engins de transport et de transfert sera lente, les véhicules de circulation seront équipés de plusieurs systèmes de sécurité et de résistance aux collisions. Et en cas de chute de colis, des dispositions sont aussi prévues pour maintenir l’installation en état de fonctionnement.

Les pannes

Une grande partie des équipements sensibles de l’installation, comme les ventilations, les pompes du réseau incendie, les systèmes de surveillance radiologique, seront alimentés par l’électricité. Pour s’assurer de leur fonctionnement, des dispositifs de surveillance seront mis en place pour détecter toute anomalie.

En cas de panne, des équipements de secours sont prévus pour prendre le relais, notamment des groupes électrogènes qui fonctionnent au diesel. Ces équipements de secours seront redondants, diversifiés et indépendants. Ils feront l’objet de tests réguliers afin d’assurer plusieurs niveaux de secours en cas de défaillance.

Les autres risques

L’installation Cigéo est conçue pour résister à bien d’autres risques, liés aux conditions climatiques parfois extrêmes en surface (vent, neige, pluie, foudre...), à la chute éventuelle d’avions, à l’environnement industriel autour du site, aux intrusions et aux actes de malveillance… Chaque risque est caractérisé, mesuré, anticipé puis les parades proposées par l’exploitant sont analysées en détail par l’ASN, avec l’appui de l’IRSN. La gestion des risques est même poussée aux événements concomitants, comme une inondation après un séisme par exemple. Aucune éventualité ne saurait être laissée au hasard.

 

Interview : l’examen du dossier d’option de sûreté

Les éléments relatifs à la sûreté du site ont été expliqués et justifiés dans un dossier d’option de sûreté, rédigé par l’Andra. Ce dernier a été remis en avril 2016 à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui l’a examiné. Le point avec Pierre-Franck Chevet, Président de l’ASN. 

Pierre-Franck Chevet
© ASN/V. Bourdon

Quel est la position de l’ASN sur le dossier d’option de sûreté de Cigéo ?

Notre avis est positif. Le dossier est bien étayé, bien documenté et le projet a globalement atteint une maturité technique satisfaisante. Il existe néanmoins certains points de vigilance qui devront être pris en compte par l’Andra avant de déposer une demande d’autorisation de création.

Quels sont les points de vigilance émis par l’ASN ?

Nous émettons des réserves sur certains déchets : les boues radioactives conditionnées dans des matrices en bitume. Elles représentent ainsi 40 000 colis, soit 18 % en nombre de colis qui ont vocations à être stockés dans Cigéo. À la suite d’un apport d’énergie externe (cas d’un incendie ou d’une montée en température), les déchets bitumés sont susceptibles de s’enflammer et de provoquer un incendie qui pourrait se propager dans l’installation de stockage. Des questions subsistent également sur la résistance de l’installation face aux aléas naturels comme les séismes, sur la surveillance de l’installation, sur la gestion des situations post-accidentelles, sur la corrosion des aciers et l’évolution des matériaux argileux à long terme.

Quelles sont les attentes de l’ASN sur ces points ?

Si le sujet des déchets bitumés n’est pas traité de manière efficace, nous n’autoriserons pas leur stockage à Cigéo. Nous encourageons la solution de neutralisation de la réactivité chimique et du reconditionnement des colis afin de les rendre inertes, ce qui demande de développer un nouveau procédé de traitement thermique et/ou chimique. L’Andra devra également présenter de nouvelles dispositions pour répondre aux autres points de vigilance, par exemple pour éviter la propagation d’un sinistre dans une galerie, intervenir sur l’installation et poursuivre les opérations de stockage sans danger.