Quelles évolutions pour le territoire ?

Un contrat pour le développement du territoire

L’arrivée du projet Cigéo en Meuse et Haute-Marne va modifier le territoire,il va nécessiter des infrastructures. Le projet représente une opportunité de développement économique, en termes d’emplois notamment. La construction du site devrait nécessiter le recrutement de 1 000 à 2 000 personnes pour la construction initiale de l’installation pendant 5 ans. Durant la phase d’exploitation près de 600 personnes travailleront sur le site. Des chiffres auxquels s’ajouteront des emplois induits liés à l’arrivée des nouveaux salariés. Aussi, pour préparer au mieux l’intégration du projet Cigéo dans son territoire d’accueil (départements de la Meuse et de la Haute-Marne), un contrat de développement du territoire (CDT) est actuellement en cours d’élaboration sous le pilotage de la préfecture de Meuse.

Pour préparer le territoire à l’arrivée du centre de stockage profond, le Premier Ministre a confié à la préfecture de la Meuse la réalisation d'un contrat de développement du territoire (CDT). Interview de Muriel Nguyen, préfète coordinatrice du projet Cigéo. 

Préfète Muriel Nguyen
© Jean Noël Portmann/l'Est Républicain

En tant que Préfète de la Meuse, vous êtes coordinatrice du projet Cigeo pour le territoire à cheval sur les départements de la Meuse et de la Haute-Marne. A la demande du Premier ministre, vous avez en charge d'engager un contrat de développement de territoire. De quoi s'agit-il ?

La lettre de mission adressée par le Premier ministre en juin 2016 au préfet de la Meuse, en sa qualité de préfet « coordonnateur », lui confie la mission d’identifier, avec l’ensemble des acteurs concernés, les projets d’investissement qui permettront de répondre aux besoins du projet industriel et aux objectifs des territoires d’accueil. 

Les partenaires de cette démarche sont nombreux : les communes et intercommunalités, les conseils départementaux, le conseil régional du Grand Est, les groupements d’intérêt public de Meuse et de Haute-Marne, mais aussi l’ANDRA et les autres opérateurs de la filière nucléaire (EDF, Orano, CEA), le tissu entrepreneurial de proximité et ses intermédiaires consulaires. 

Le rôle de l’État est d’accompagner le territoire dans la stratégie de développement économique voulue par les acteurs locaux pour optimiser les retombées du projet industriel.

Vos services ont réalisé un important travail d'identification des actions à mener dans le cadre de ce contrat de développement de territoire. Que peut-on en dire ?

En effet, ce travail d’identification a été engagé dès le second semestre 2016. Il a permis, au cours de nombreuses réunions techniques, de recenser dans un premier temps l’ensemble des projets utiles au développement économique et à la création d’emploi, la réalisation d’infrastructures, l’amélioration du cadre de vie et, plus généralement, à l’attractivité du territoire.

Une seconde étape a consisté à hiérarchiser les projets dans le temps en tenant compte du calendrier du projet Cigéo : un premier train de mesures à réaliser dès la déclaration d’utilité publique et un second volet à réaliser à la délivrance de l’autorisation de création. 

La soixantaine d’opérations prévues dans le contrat de territoire s’organisent donc en grandes priorités : les aménagements indispensables à la construction de Cigéo à court terme, puis, sur le plus long terme, une véritable ambition de développement pour le territoire, en mobilisant les ressources locales et en renforçant l’attractivité des deux départements dans la durée. 

Vous parlez d’une structuration nécessaire du contrat de territoire autour des phases administratives de déclaration d’utilité publique et d’autorisation de création de Cigéo. Pouvez-vous nous en dire plus sur les actions jugées prioritaires et nous donner des précisions sur le calendrier ?

Les dernières esquisses calendaires sont les suivantes : un dépôt par l’ANDRA de ses deux dossiers de déclaration d’utilité publique et d’autorisation de création en 2019. Le rythme de l’instruction de ces deux dossiers n’est pas le même : s’il est envisageable d’imaginer le prononcé de l’utilité publique environ 1 an à compter du dépôt du dossier, l’instruction de la demande d’autorisation de création du centre d’enfouissement prendra au moins 3 ans. 

Au regard de ces perspectives, une trentaine d’actions du contrat de territoire seront initiées à compter de la déclaration d’utilité publique, vraisemblablement fin 2019-début 2020. Elles consistent tout d’abord à réaliser les infrastructures indispensables pour le chantier de Cigéo : renforcement des dessertes routières de proximité, réaménagement d’une ligne ferroviaire pour l'acheminement de matériaux et équipements de chantier sur la zone, mise en place de réseaux de raccordement en eau, achèvement de la couverture numérique, préparation des premiers recrutements. 

Elles permettent aussi de préparer l’avenir en organisant concrètement les conditions de l’accueil ultérieur d’entreprises sous-traitantes de l’ANDRA. L’objectif est de stimuler le développement du territoire autour de Cigéo, par exemple par la création de zones d’activités permettant l’installation d’entreprises. Il s’agit également d’anticiper les besoins, notamment en termes d’emploi et de formation, afin de faire bénéficier la population des retombées économiques du projet. 

Ensuite, dès l’autorisation de création, un second volet d’une trentaine d’actions démarrerait à compter de fin 2022-début 2023, consistant à prolonger la structuration du territoire par l’amélioration des réseaux de transport, poursuivre le développement économique, structurer des filières d’excellence. 

La dimension sociale du contrat, notamment en termes de créations d'emplois, est-elle importante ?

En effet, il est essentiel que les créations d’emplois générées par Cigéo bénéficient aux populations du territoire. Au regard des premières projections réalisées par l’ANDRA, ce sont jusqu’à 2000 personnes qui pourraient bénéficier de l’effet d’entraînement du chantier. La question du recrutement, de la montée en compétences des salariés, mais également des services qui leur seront offerts, est au cœur de notre travail actuel.

Quel est le sentiment des habitants concernant le projet et ses retombées économiques et sociales ?

Par nature, ce n’est pas un projet consensuel. Une partie de la population se pose des questions légitimes auxquelles il nous faut apporter des réponses.

Ce dialogue doit avoir lieu dans un contexte apaisé. 

Les manifestations d’opposants violents et radicaux à Cigéo ont traumatisé les populations locales qui en ont été victimes. 

Le processus de dialogue doit maintenant reprendre et s’inscrire dans la durée pour que chacun s’approprie tous les enjeux liés à la gestion des déchets. 

Les retombées économiques et sociales de Cigéo sont encore mal perçues. L’enjeu sera de développer une communication adaptée sur le contrat de territoire. 

Observer l’environnement local

En 2007, l'Andra a mis en place un Observatoire pérenne de l'environnement (OPE) pour étudier les caractéristiques environnementales d’un territoire de 900 km² à la limite des départements de la Meuse et de la Haute-Marne. Au sein de cette zone, des études plus détaillées sont menées sur un secteur de référence d’environ 240 km2. L’objectif de l’OPE  est d'établir un suivi de l'environnement pendant toute la durée de l’exploitation de Cigéo. L’OPE s’intéressera à l’évolution dans le temps des milieux naturels et organismes (eau, air, sol, flore, faune, bactéries), ainsi que des activités humaines. Cet outil est unique en France de par la surface du territoire étudié et la durée d'études envisagée (100 ans).

Ecothèque au sein de l’observatoire de l’environnement (OPE)
L’écothèque © Andra

Avant le début des travaux d'aménagement de Cigéo, l'OPE établit pendant une période de plus de dix ans un état des lieux de l'environnement. Si le projet est autorisé, l'observatoire disposera ainsi d'indicateurs physiques, chimiques, biologiques et sociologiques permettant de détecter tout changement, aussi faible soit-il, au cours de l'exploitation de Cigéo. Le dispositif d'études comprend près de 3 500 points de suivi de la faune et de la flore, 20 stations de suivi des eaux de rivières, des données satellites et aériennes... Au total, l’OPE va récolter et analyser plus de 85 000 données par an. La pérennité des informations dans le temps sera assurée par une base de données couplée à un système de géolocalisation, et par l'écothèque, construite à Bure en 2013, qui conserve, à sec et en par cryogénie les échantillons prélevés.

Les espèces remarquables

Les études de l’OPE ont permis d’identifier les espèces remarquables qui vivent à proximité du futur centre de stockage profond. L’objectif est de veiller à leur préservation.
Au total, de 2009 à 2014, 28 espèces remarquables ont été inventoriées sur les secteurs de l’OPE (de 240 km2) au sein des écosystèmes terrestres et aquatiques. Parmi ces espèces, 3 sont protégées en Lorraine : la Spirée Fipendule, le Gaillet Boréale et l’Hippirus commun.